Je suis - et non, serais - une imbécile pour cet espace naître seul mon exil. Ou toujours présent, chatte, bien plus imagée délicate et aux pensées à me coller ce mieux, colorées succulences immédiates…
Que dire donc si ce n'est que revenir vous donner à partager ce petit bijou. Lui, tellement plein d'anodins petits touts, tout abandonnés ici en étonnants jolis petits cailloux. Eux, n'éraflant en rien matière votre air pour tout de même, effleurer à s'en lasser les cicatrices de ses peines. Elles, si lentes en devenir poux.
Pauvre petit bout'chou, viens donc là, simplement, sur mes genoux !
Je te conterai non pas l'histoire à endormir l'hibou ni son bouboulé à chanter mais une chouette vision d'où peut naître juste écho…
J'envie – sans bien savoir si je les envie vraiment – ces gens dont on peut écrire la biographie, ou qui peuvent l'écrire eux-mêmes. Dans ces impressions décousues, sans lien entre elles et ne souhaitant pas en avoir, je raconte avec indifférence mon autobiographie sans faits, mon histoire sans vie. Ce sont mes confidences, et si je n'y dis rien, c'est que je n'ai rien à dire.
Que peut-on donc raconter d'intéressant ou d'utile ?
Ce qui nous est arrivé, ou bien est arrivé à tout le monde, ou bien à nous
seuls; dans le premier cas ce n'est pas neuf, et dans le second cela demeure
incompréhensible. Si j'écris ce que je ressens, c'est parce qu'ainsi je diminue
la fièvre de ressentir. Ce que je confesse n'a pas d'intérêt, car rien n'a
d'intérêt. Je fais des paysages de ce que j'éprouve. Je donne congé à mes
sensations. Je comprends parfaitement les femmes qui font de la broderie par
chagrin, et celles qui font du crochet parce que la vie existe. Ma vieille tante
faisait des patiences pendant l'infini des soirées. Ces confessions de mes
sensations, ce sont mes patiences à moi. Je ne les interprète pas, comme
quelqu'un qui tirerait les cartes pour connaître l'avenir. Je ne les ausculte
pas, parce que, dans les jeux
de patience, les cartes, à proprement parler,
n'ont aucune valeur. Je me déroule comme un écheveau multicolore, ou bien je me
fais à moi-même de ces jeux de ficelle que les enfants tissent, en figures
compliquées, sur leurs doigts écartés, et qu'ils se passent de main en main. Je
prends soin seulement que le pouce ne lâche pas le brin qui lui revient. Puis je
retourne mes mains, et c'est une nouvelle figure qui apparaît. Et je recommence.
Vivre, c'est faire du crochet avec les intentions des autres. Toutefois, tandis que le crochet avance, notre pensée reste libre, et tous les princes charmants peuvent se promener dans leurs parcs enchantés, entre deux passages de l'aiguille d'ivoire au bout crochu. Crochet des choses… Intervalles… Rien…
Fernando Pessoa (1888-1935) "Le Livre de l'Intranquillité"
Merci à vous, gentilhomme - dont la noblesse découle, se coule nature naturelle car transmise vraiment par le cœur, ce bon si vôtre - pour m'avoir envoyé ce texte à étendre l'espace d'un seul au monde dans sa dimension accompagné. Hors le temps, sans doute puisque maintenant avéré créé alors que je n'étais pas encore née, mais en ce continuum si particulier à trembler et à tant me vibrer.
La terre n'est qu'une poussière dans l'univers…